DIMANCHE 24 JUIN 2018, À 16 H 30

MAISON DE L’ORMEAU (11220, COUSTOUGE)

RENCONTRE-DÉBAT AVEC L’ÉCRIVAIN ARNO BERTINA ET DOMINIQUE BONDU

« DES OCCUPATIONS D’USINES AUX COOPÉRATIVES OUVRIÈRES : DE L’USINE À LA COMMUNAUTÉ ? »

Entrée libre et gratuite.

Arno Bertina né en 1975 est écrivain. Il est l’auteur de plusieurs romans, récits, essais, extrêmement inventifs par leur forme (de la phrase à la structure d’ensemble du livre), ou récits et personnages sont portés, levés, par un souci de vitesse et de libération – libération de la langue, des sens, du sens ; libération identitaire.
Dans plusieurs de ses romans, il interroge le rapport mobile aux identités (Le Dehors, Appoggio, Anima Motrix, Je suis une aventure..).
Ses récits composent une vaste suite des démunis, des exclus (ainsi, La Borne S.O.S. 77Numéro d’écrou 362576 ), et ce, en continuité avec son exigence d’une vie solidaire des ceux qui n’ont pas ou plus de place dans notre monde.
Depuis 2015, il effectue plusieurs séjours au Congo où il anime des ateliers d’écriture auprès de jeunes femmes prostituées. Il a écrit un texte bouleversant sur cette engagement : « Ce qui me relie à cette fille-mère de Pointe-Noire, au Congo, prostituée déclarée sorcière », paru dans la Revue NRF (Éditions Gallimard, 18-05-2017).

Bibliographie
Le Dehors ou la migration des truites, Actes Sud, 2001, roman.
Appoggio, Actes Sud, 2003, roman.
La Déconfite gigantale du sérieux, Lignes/Leo Scheer, 2004 (sous le pseudonyme de Pietro di Vaglio), essai/fiction.
Anima motrix, Verticales, 2006, roman.
Anastylose, Fage, 2006, farce archéologique (en collaboration avec B. Gallet, Y. De Roeck et L. Michaux).
J’ai appris à ne pas rire du démon, Naïve, 2006, fiction biographique.
Une année en France, Gallimard, 2007 (en collaboration avec F. Bégaudeau et O. Rohe), essai.
Ma solitude s’appelle Brando, Verticales, 2008, récit.
La Borne SOS 77, Le bec en l’air, 2009, fiction (en collaboration avec L. Michaux).
Énorme, éditions Thierry-Magnier, 2009, photoroman pour ados (avec le collectif Tendance Floue).
Dompter la baleine, éditions Thierry-Magnier, 2012.
Je suis une aventure, Verticales, 2011
J’ai appris à ne pas rire du démon, Actes Sud, 2015
Des lions comme des danseuses, La Contre allée, 2015
– Des châteaux qui brûlent, Verticales, 2017.

À propos de Des châteaux qui brûlent (Verticales, 2017) :

« De la masse qu’on formait autour de lui, « avec lui » pour ainsi dire, une main aurait pu s’extraire sans que personne, ensuite, ne soit en mesure de dire qui était au bout, quel bras et quel visage, et elle l’aurait frappé, lui, et ç’aurait été le déclencheur d’autres coups de poing, la curée, le truc pour se vider sur une victime, le bouc émissaire – que nos blessures et nos misères elles changent de camp.»
Des châteaux qui brûlent raconte la séquestration d’un secrétaire d’État par les salariés d’un abattoir placé en liquidation judiciaire. Arno Bertina y fait résonner la parole singulière de toutes les forces en présence – comment elles s’affrontent et libèrent des puissances insoupçonnées. Dans le huis clos de l’usine occupée, chacun se découvre du souffle. Ce roman dit les heurts et bonheurs d’une insurrection aujourd’hui.

 Extrait des Châteaux qui brûlent (p. 176-180) :

« Fatoumata Diara. – Au début j’ai patiné vraiment beaucoup. Quelque chose comme ça : ‘Ils vont pas me laisser parler.’ […] j’ai pu poser ma question. Enfin.
– Bon monsieur le ministre, vous dites qu’il n’y a pas de repreneur du tout, c’est ça ?
– Aucun qui promette de sauver l’emploi. Les seuls dossiers qu’on ait, pour l’instant, sont –
– Des boîtes qui s’engagent à reprendre quelques centaines de personnes sur les trois mille ?
– C’est à peu près ça.
– Donc on vaut rien et pour la famille du patron c’est la cata ?
– Oui, une cata.
– Donc on rachète.
Là tu vois il y a eu un silence, et toute une foule dans ce silence : des sourires, des regards éberlués, des yippee de cow-boys qui pouvaient dire : ‘Et allez, encore un coup de Fatoumata’. J’ai continué, l’avais la main chaude.
– On rachète pour rien évidemment, puisque personne ne veut de nous. On leur fait baisser le prix jusqu’à l’euro symbolique et on rachète ensemble.
– Une SCOP ! […]
Alors j’ai aperçu Gérard. Lui je sais ce qu’il pense depuis le début. C’est le repré de la CGT
[…]
– Tiens, Gérard, toi tu connais les Fralib, t’es allé, l’autre fois, à cette réunion où ils étaient.
[…]
– Pendant trois ans et plus ils ont bataillé. Trois ans ! Ils ont occupé l’usine, ils ont dormi dedans comme nous maintenant. […] Ils ont constitué une SCOP, une coopérative, voilà.
[…]
– Demain il faudra tout vivre différemment. Dans une coopérative il peut y avoir un semblant de hiérarchie, des postes attribués mais tout le monde est associé, tout le monde doit être concerné de la même façon – c’est-à-dire au maximum – par le sort de la coopérative. Ça veut dire se parler et s’écouter. Ça exclut des trucs : tu peux pas être passif, t’es solidaire, t’as pas le choix, et c’est presque une fraternité – autrement tout s’écroule et les salauds qu’on a foutus dehors se mettent à ricaner comme des hyènes parce qu’ils tiennent la preuve que la fraternité c’est des bobards, qu’ils sont donc légitimes quand ils se comportent comme des loups. Pour nous c’est un changement radical ; il faut désormais parler aux collègues qu’on avait le droit de ne pas aimer ou de snober quand il y avait la hiérarchie pour nous séparer. Plus de tâche unique ou de fonction millimétrée, ça marche plus ça ; il faut apprendre à s’intéresser à tout : à la compta, aux décisions politiques, venir bosser le dimanche, prendre un balai si y a besoin. […] »

La presse en parle :

Michel Abescat, Télérama n°3528 :
Au sein d’un abattoir de volailles occupé, la puissance du collectif et sa pulsion de vie, face à la violence des inégalités contemporaines.
Filiale d’un géant de l’agroalimentaire, un abattoir de volailles breton, au bord du dépôt de bilan, tente de résister. Quatre-vingts salariés occupent l’usine et séquestrent un ministre venu de sa propre initiative leur proposer une reconversion. De gauche, il rêve de décroissance et de développement durable. Eux sont fixés sur un objectif : sauver les emplois. […] C’est passionnant, vibrant, puissant. Le texte se déploie dans de multiples dimensions sans jamais perdre son souffle. Tout au long de ses 400 pages, il donne à voir l’intelligence collective, l’évolution des points de vue, la force nouvelle qui s’empare de chacun. […] Arno Bertina réussit un roman singulièrement contemporain, plein d’étincelles et d’énergie, une sorte de brèche dans la perpétuation résignée d’un système qui ne cesse de dévorer les plus faibles : « Une insurrection c’est une réaction de survie, une métamorphose de la mort en forme de vie ».

Dominique Bondu s’est établi à LIP. Durant une dizaine d’années, il a partagé la vie des ouvriers occupant leur usine de Besançon-Palente et s’attachant à créer des coopératives ouvrières pur créer leurs emplois. Entre autres écrits, il a publié : « L’élaboration d’une langue commune : Lip-la GP », dans la revue Les Temps modernes n°684 du 15-10-2015.