Dans le cadre du « Printemps des Poètes 2019 : la beauté »,

SAMEDI 9 MARS À 16 H, À LA MAISON DU PARC (11800 RUSTIQUES)

rencontre avec le poète et critique Yves Le Pestipon

Explication de texte sur un poème d’Apollinaire, suivie d’une lecture de poèmes.

Entrée libre et gratuite. Apéritif offert.

* Explication de texte : «  Si je mourais là-bas », Apollinaire, Poèmes à Lou

Pendant la guerre de 14, Apollinaire est amoureux. Il écrit à Lou des lettres et des poèmes. Contre toute attente, il y dit l’étonnante beauté de la guerre moderne, alors même qu’il en souffre, et qu’il va en mourir. Ces textes sont des prodiges bouleversants, absolument paradoxaux, et qui donnent infiniment à penser. Nous voudrions présenter un des plus célèbres d’entre eux, où s’annonce « un long, un long destin de sang ». Sa beauté sur fond de désastre est une parole pour aujourd’hui, alors que nous nous sentons souvent dans la gueule du loup.

Guillaume Apollinaire, « Si je mourais là-bas… », Œuvres poétiques, Gallimard, 1956.
Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur

Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier

Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants

Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté

Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
— Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur —
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie

Ô mon unique amour et ma grande folie

* Bouquet de poèmes en beauté : lectures par Yves Le Pestipon, à partir de 17h20

De Malherbe à Rimbaud, de Baudelaire à Char, de Breton à La Fontaine, sans oublier Shakespeare, Dante, Lucrèce ou Basho, des poètes « saluent la beauté », en font leur « doux souci », la dénoncent, ou l’espèrent « convulsive ». Nous lirons à l’aventure quelques uns de leurs textes.

Yves Le Pestipon est né en 1957. Il est poète, performer et théoricien de la littérature, ancien élève de l’ENS (Saint-Cloud), agrégé des lettres, est actuellement professeur de Première Supérieure (Khâgne) à Toulouse. Il est notamment l’auteur d’une thèse sur les relations de pouvoir dans l’œuvre de La Fontaine et d’articles consacrés aux Fables, dont il a aussi établi une. Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles. Tenant de la poésie orale, il participe à de nombreux événements littéraires à Toulouse et dans sa région. En 2014, il publie Oublier la littérature ?, un essai tente d’explorer le paysage contemporain de la littérature, en revisitant d’abord l’histoire de cette notion. Par ailleurs, il a collaboré à plusieurs films documentaires, ainsi : une série Le Bestiaire des Pyrénées (France 3), Grothendieck, sur les routes d’un génie (K productions, 2013).

Bibliographie sélective :
– Des lettres anonymes, Éd. Clapotements, 2011.
– Je plie mais ne romps pas, Essai de lecture ininterrompue du livre I des Fables de La Fontaine, Presse Universitaires de Rouen 2011.
– Fables de La Fontaine, édition critique par Yves Le Pestipon, (GF Flammarion, 2016 et 2017)
– Oublier la littérature ? (Éd. Rue des gestes, 2013).