DIMANCHE 27 JUIN 2021 À 17 H, AU CHÂTEAU DE GAUJAC, 11200 LÉZIGNAN-CORBIÈRES (1 chemin de Gaujac, à la hauteur du carrefour du Mac Do, route de Fabrezan et Lagrasse). Entrée libre (sans réservation) et gratuite.

RENCONTRE À DEUX VOIX, AVEC :

. L’ÉCRIVAINE FRÉDÉRIQUE COSNIER, autour de son nouveau roman, PACEMAKER (éditions du Rouergue, coll. Brune, 2020)

. LE POÈTE GUINÉEN FALMARÈS, autour de ses deux recueils de poésie, SOULAGEMENTS 1 et 2 (édition Les Mandarines, 2018, 2020).

* Frédérique Cosnier vit à Besançon. Elle est poète, romancière et performer. Elle enseigne le français langue étrangère et la littérature française au Centre de linguistique appliquée (C.L.A.) de l’Université de Franche-Comté. Son premier roman, Suzanne et l’influence, est paru aux éditions La Clé à Molette ; il a reçu le Prix Marcel Aymé 2017.

Pacemaker, son second roman, est paru en 2020 aux éditions du Rouergue (collection Brune).
Elle pratique de nombreuses lectures publiques, souvent en collaboration avec des musiciens et des plasticiens, à la croisée des arts.

À propos de Pacemaker (éditions du Rouergue, coll. Brune, février 2020) :

Il manque beaucoup de monde dans le tableau de famille de Louise. La jeune femme n’a plus que son père et Gary, un fauve domestique aux yeux d’or, qui assassine les mésanges. Alors elle s’évade auprès de la joyeuse troupe des Gazelles, avec lesquelles elle répète un spectacle de danse orientale. Mais ce matin-là, jour de son anniversaire, alors que les danseuses doivent se produire à Gai-la-Fontaine pour un événement caritatif, des enfants sont pris en otage dans l’école de Grisors, toute proche, et le pacemaker de son père décide de faire des siennes.

Dans ce roman de la vie qui résiste à la violence de l’époque et aux rumeurs de la haine, par la grâce d’une écriture infiniment sensible, aux mouvements imprévisibles, Frédérique Cosnier fait surgir un monde dont les enchantements naissent des pulsations même du cœur.

Petite vidéo lecture à voix haute par l’auteure d’extraits de Pacemaker : https://vimeo.com/435685552

* FALMARÈS est le nom de plume de Mohamed Bangoura. Il est né en 2001 en Guinée-Conakry.
« Réfugié poétique », il est lycéen dans le Morbihan, il évolue « entre le lycée, l’école de la vie et les bibliothèques au milieu des livres immortels », comme il l’écrit lui même.

Falmarès

Il se présente ainsi dans un article publié par le blog Le Kiosque, le 26 avril 2021 :

 » Je me nomme Falmarès, né le 19 décembre 2001 à Conakry en Guinée. J’habite actuellement à Nantes où je suis lycéen en alternance en classe de terminale Bac Pro. Logistique au CFA AFTRAL de Sainte-Luce Sur Loire.
En 2016, âgé seulement de 14 ans, je quitte la Guinée après la terrible disparition de ma mère et d’autres événements familiaux douloureux. Après avoir traversé le Mali, l’Algérie, la Libye, je finis par être embarqué sur un zodiac de 7 mètres où sont entassés 180 personnes direction l’Italie. Arrivé en Italie, dans le camp pour « migrants » de Bolzano,  je commence à écrire mes premiers poèmes.
Au départ, j’écris non pas par passion mais pour « trouver le sommeil », j’écris la nuit et je me relis pour m’endormir. Ensuite je rejoins la France en passant par Paris puis Nantes. Rapidement, je me rends dans les bibliothèques, je rencontre le poète Michel L’Hostis et sa compagne, avec leur revue de poésie intitulée Pot à mot. Je participe à des rencontres littéraires avec mes amis et très vite, je suis publié dans trois revues de poésie et gagne un prix de poésie.
Par la décision du juge pour enfant, j’ai été orienté dans le département du Morbihan aux apprentis d’Auteuil pour poursuivre mon intégration. C’est à Vannes, le soir de la fête de la musique de 2018, que je rencontre Joëlle et Armel Mandart des éditions Les Mandarines.
En novembre 2018, à l’âge de 16 ans, je publie Soulagements, mon premier recueil de poèmes (éd. Les Mandarines) avec la préface de Michel L’Hostis, poète nantais. Je suis alors souvent sollicité pour parler de mon recueil de poèmes, de mon rapport à l’écriture et de mon histoire. Deux ans plus tard, à 18 ans, je publie Soulagements 2, mon deuxième recueil de poésie qui a eu un très bon écho dans la presse locale et nationale. Ensuite je rencontre et je me lie l’amitié avec Joseph Ponthus qui vient de nous quitter, auteur du célèbre roman À la ligne, Feuillets d’usine, aux éditions de la Table ronde.
En 2020, je suis nommé Ambassadeur de la paix entre France et Suisse. Mon troisième recueil devrait être publié au cours de l’année 2021. A la même année je reçois le Prix Lycée pour l’ensemble de mes poèmes, un concours de poésie organisé par l’association Europoésie en partenariat avec l’UNICEF. Je viens d’être sélectionné comme membre du jury du grand festival Étonnants Voyageurs.

Après une dure semaine de travail, je reçois une lettre de la préfecture de la Loire Atlantique datant du 21 avril 2021 me disant de quitter le territoire français dans 30 jours et je suis en pleine préparation de mon Bac. Chers amis, à cet instant le temps s’est arrêté pour moi et je ne me suis pas posé la question à savoir pourquoi la préfecture de Loire Atlantique veut expulser un Ambassadeur de la paix. Pourtant mon histoire ne se passe pas en Chine, ni en Irak, ni au Corée mais à l’Ouest de la France. La France est un pays de droits de l’Homme, pays de la Liberté, pays des lumières… »

Le Monde, le 7 mai 2021, article par Yan Gauchard :

Falmarès, une expulsion qui ne rime à rien

A Nantes, Mohamed Bangoura, un Guinéen de 19 ans, se débat contre un arrêté l’enjoignant de quitter la France. Le lycéen, parfaitement intégré, travaille en alternance et publie des poèmes, sous le nom de Falmarès, qui lui valent déjà une belle notoriété.

Vendredi 23 avril 2021. Dans leur chaumière ­bretonne, à Brec’h (Morbihan), au bout du fil, Joëlle et Armel Mandart entendent une voix désespérée : « Je vais commencer une grève de la faim. Elle aboutira à la régularisation de mon dossier ou à ma mort. » Au téléphone, à Nantes (Loire-Atlantique), Mohamed Bangoura, jeune poète que le couple de retraités édite sous le nom de Falmarès, lit l’arrêté préfectoral notifiant qu’il est sous le coup d’une OQTF (obligation de ­quitter le territoire français) après le rejet de sa demande de titre de séjour.

La direction des migrations et de l’intégration relève que Mohamed, élève de terminale en bac professionnel ­travaillant en alternance au service logistique de la Semitan (Société d’économie mixte des transports en commun de l’­agglomération nantaise), « présente un rapport éducatif et social favorable quant à son insertion dans la société française ».

Soupçons de triche sur son âge :

Mais les autorités soupçonnent le lycéen d’avoir triché sur son âge à son arrivée en France, en novembre 2017 – ce qu’il nie farouchement. Sa carte d’identité consulaire, émanant de l’ambassade de Guinée, mentionne qu’il est né à Conakry le 19 décembre 2001. Le document, aux yeux de la préfecture, « ne constitue pas un élément probant ».

« Falmarès a amplement prouvé son humanité, son amour de la langue et du pays, ainsi qu’une volonté d’intégration incroyable. » Hélène Dupré, thérapeute

Sitôt la menace d’expulsion connue, amis et employeur du jeune homme, mais aussi élus de tous bords, se mobilisent. Falmarès, sélectionné comme juré du prix Ouest-France Etonnants voyageurs, annonce à l’équipe du festival qu’il risque de ne pas être présent à Saint-Malo pour la proclamation des résultats, lors du week-end de la Pentecôte. Six heures plus tard, son histoire figure à la « une » du site de Ouest-France.

Face à la fronde, la préfecture de Loire-Atlantique rétropédale et accorde, dès le 26 avril, un sursis de six mois au jeune réfugié, afin que ce dernier engage la procédure visant à « attester de l’identité et de la qualité du signataire de l’acte d’état civil le concernant ». Hélène Dupré, thérapeute installée dans le Morbihan – qui a adoubé Falmarès comme un membre de sa famille – fustige « l’absurdité » de la situation et pointe « une machine administrative déshumanisée », notant : « Falmarès a amplement prouvé son humanité, son amour de la langue et du pays, ainsi qu’une volonté d’intégration incroyable. »

Article de Ouest France, par Florence Pitard, le 25 mai 2021 :

Âgé de 19 ans, le jeune poète Falmarès est invité en tant qu’auteur au festival Étonnants voyageurs. Il fait aussi partie du prix Ouest-France Étonnants voyageurs en tant que juré. Ce week-end, il aurait dû se trouver dans l’avion d’un retour forcé vers la Guinée, mais une mobilisation d’ampleur envers cet exilé qui s’avère être un poète exceptionnel a décidé la préfecture à accorder un sursis.

Ce samedi 22 mai a une saveur particulière pour Falmarès, poète guinéen de 19 ans. Il aurait dû se trouver dans l’avion qui signe son retour forcé vers la Guinée. Le 22 mai était la date prévue pour son expulsion, selon l’arrêté pris par la préfecture de Loire-Alantique… Pourtant il est bien là, juré du prix Ouest-France Étonnants voyageurs et invité au festival littéraire en tant qu’auteur.

Sa présence à Saint-Malo est le fruit d’une mobilisation exceptionnelle, à la mesure d’un parcours extraordinaire. À l’âge de 15 ans, Falmarès, de son vrai nom Mohamed Bangoura, a quitté son pays natal. La mort de sa mère l’a poussé sur les routes de l’exil. « Je viens d’un milieu modeste, mais je n’étais pas malheureux, dit-il de sa voix calme et posée. Mon père faisait des petits boulots, ma maman était femme au foyer. Lorsqu’elle est morte, tout a changé. Il s’est passé beaucoup d’événements dans ma famille. »

« Un désir de lecture »

Il évoque son voyage, ces épreuves vécues par tant d’autres. « Ça a été une question de vie ou de mort. On a traversé le désert du Mali, le Sahara dans un pick-up, sans une bouteille d’eau. Une grande folie. En Algérie, j’ai travaillé des mois dans un chantier de bâtiment. Puis mon patron a négocié pour me faire passer. Deux jours horribles pour traverser la Méditerranée, à 170 sur un semi-rigide de 7 m, avec des femmes et des enfants, et l’eau qui rentrait. Il n’y a pas eu de morts, mais beaucoup de malaises. »

En Italie, alors qu’il se trouve à Bolsano, dans un centre pour migrants, il se met à écrire. « La mort de ma maman, les chocs du voyage… J’ai ressenti un désir de lecture. Alors j’écrivais, et je me lisais mes poèmes. Ça a été une thérapie. Me lire me permettait de m’endormir et de ne pas faire de mauvais rêves. »

Il quitte l’Italie pour la France, son but. Après avoir été élève au lycée professionnel Jean-Guéhenno de Vannes, il vise cette année un bac Logistique à Nantes. Mais le virus de la poésie l’a saisi, il ne le lâche plus. Le bon élève de Conakry, qui apprenait ses manuels scolaires par cœur, encore ému d’avoir récité Le Loup et l’agneau devant une délégation académique, enclenche la vitesse supérieure. Il passe son temps dans les médiathèques, écume les rencontres littéraires, déclame ses poésies puissantes et évocatrices.

« Je n’aurais jamais imaginé ça »

Au Bono, dans le Morbihan, il rencontre Joëlle et Armel Mandart, qui décident d’éditer ses poésies dans leur petite maison d’édition, Les Mandarines. « Je me suis nourri de rencontres avec des auteurs comme Michel L’Hostis, Maryline Leroux, Joseph Ponthus, qui a été comme un grand frère et m’a ouvert beaucoup de portes. »

En fin d’année 2020, sur les conseils d’anciens professeurs de Vannes, il postule pour être juré du prix Ouest-France Étonnants voyageurs et est retenu. Mais le 25 avril, à l’issue d’une réunion, il annonce aux jurés une nouvelle glaçante. Deux jours plus tôt, il a reçu un arrêté d’expulsion. Il est soupçonné d’avoir menti sur son âge, à son arrivée en 2017. Il ne sera peut-être pas là le 22 mai pour décider du gagnant du prix. « Ça a été un tel choc, dit-il, toujours sans s’enflammer. C’était injuste et absurde, les gens qui m’entourent savent que je m’investis dans le domaine littéraire, que je fais tout ce que je peux pour mon intégration. »

La mobilisation se met en marche. Ouest-France, puis d’autres journaux relaient son histoire. « Je n’aurais jamais imaginé ça. Je me lève le matin et tout le monde parle de moi. » Des élus s’indignent, ses éditeurs font signer une pétition. Finalement, la préfecture lui accorde six mois afin qu’il fasse authentifier ses documents administratifs.

« La vie, elle est géniale »

Aujourd’hui, il savoure sa présence à Saint-Malo, les eaux turquoise qu’il découvre, cet étonnant fort au milieu de l’eau, le plaisir d’échanger avec les autres jurés. « On apprend beaucoup du débat, de voir ce que les autres ont retenu, que l’on n’avait pas vu. Il faut faire en sorte que les points de vue se rejoignent afin de faire un choix parmi tous ces auteurs talentueux, ces belles écritures. »

Tout à l’heure, il participera à un débat télévisé, animé par le poète Yvon Le Men. Il y lira des poèmes, dont celui-ci : Chère Maman, c’est moi/C’est moi ton fils, ton champion/Je t’écris de si fort lointain/Je t’écris sur l’Orient de mon isolement/Dans un pays de fort romantisme/Dans les minuits de France/Je t’écris.

Il est heureux de faire découvrir sa poésie. « Elle est à la rencontre de deux mondes, ici et l’Afrique. On y voit plein de choses. L’exil mais aussi la beauté des mots, des paysages. La vie quand même, il faut l’apprécier. Elle est géniale. Il y a le soleil et le ciel, celui du matin et celui du soir quand on se couche. »