Dimanche 19 février 2023 à 15 h, à la Maison du Parc de Rustiques (11800) :
Rencontre avec le philosophe GILLES HANUS,
à l’occasion de la parution de son nouveau livre Éloge du tact (Liber, 2023).

Entrée libre et gratuite. Apéritif de clôture

À PROPOS DU LIVRE, ÉLOGE DU TACT :

« Bien qu’il se déploie dans l’espace de la mesure, il n’y a aucune tiédeur dans le tact. Aucune tiédeur mais une proximité avec les situations et les êtres accompagnée de la volonté, plus ou moins consciente, de ne pas les laisser durcir, de ne pas les rigidifier, d’en empêcher ou d’en retarder le devenir tragique, de préserver leur possibilité de ne pas s’épuiser ni s’effondrer en eux-mêmes, et d’être encore le signe d’autre chose. Le signe contre les faits, en quelque sorte. Le tact ménage un suspens, l’occasion de se défaire du poids qui empèse et pousse à croire les situations sans issue, il préserve un espace à l’intelligence, laquelle, même lucide, n’est jamais tout à fait tragique.

Le tact qualifie l’acte plutôt que l’acteur, un acte qui met en relation au moins deux sujets; ainsi, est-il une modalité, une coloration de l’échange ou, en termes plus abstraits, de la relation intersubjective. Il est donc éminemment social. » (Gilles Hanus).

Saisie délicate du sens de l’instant présent présidant à un geste inattendu, le tact pratique l’art du détour ou du rebond là où la voie droite et directe échouerait vraisemblablement; il s’apparente au flair, à la retenue et, bien qu’il implique une certaine rapidité, s’oppose à la brusquerie obnubilée par son objectif et négligeant toute interrogation sur les moyens à déployer pour l’atteindre. Toute délicatesse ne relève pourtant pas du tact. Il arrive en effet qu’on nomme ainsi une forme de fragilité, d’incapacité à supporter telle ou telle action, remarque, situation. Le tact se rapproche davantage d’une intuition de ce qu’il convient de dire ou de faire au moment opportun, au moment voulu. «Intuition juste» comme l’eustokhia dont parle Aristote, comme le «flair» ou la «quasi divine sûreté de l’âme» dont parle Platon à l’aide d’un mot grec de la même famille (eustokhos). Entre sagacité et vivacité d’esprit, il désigne une certaine «acuité de l’âme» qui fait choisir, en situation, l’expédient, la formule ou le geste opportuns bien que discrets et manifeste une faculté d’adéquation (qui n’est pas adaptation) à la situation, qu’il épouse plutôt qu’il ne s’y confronte, à laquelle il ne fait pas face comme à quelque chose qui s’opposerait à lui. En termes temporels, cette perspicacité renvoie à une intelligence de l’immédiat qui est celle de l’opinion droite telle que la décrit Socrate à la fin du Ménon ; elle est saisie du moment opportun, sens de l’à- propos, subtile appréhension de ce que les philosophes grecs appelaient le kaïros. Pour ces raisons, le tact relève davantage, à l’instar d’un savoir-faire, des vertus pratiques que des vertus intellectuelles, du moins en apparence.

GILLES HANUS, philosophe remarquable, directeur des Cahiers d’études lévinassiennes, a été un invité de LUCIOLE où il a mené deux séminaires de philosophie. Il sort un livre, Éloge du tact, qui paraît en février 2023, est son dixième livre.
Gilles Hanus est docteur d’histoire et sémiologie du texte et de l’image ; il enseigne la philosophie au lycée. Il est l’auteur de nombreux articles et de dix livres de philosophie, principalement aux éditions Verdier, dont Échapper à la philosophie ? Lecture de Lévinas (2012), Benny Lévy, l’éclat de la pensée (2013), Sans images ni paroles : Spinoza face à la révélation (2018), Quelques usages de la parole (Hermann, 2019).
Lecteur attentif de Benny Lévy, de Levinas, de Franz Rosenzweig et de Sartre, soucieux de rompre avec les formes figées du discours philosophique, il s’efforce de produire une lecture des textes qui ressuscite leur voix et surprenne le lecteur. S’inspirant de l’étude juive, il invite à une pensée toujours neuve, reprise à son commencement. Ses « lectures » tendent ainsi à se détacher de l’essai pour laisser place à une étude vivante, à l’oralité sensible. Il a également traduit en français quelques lettres et courts textes de Franz Rosenzweig.

Il vient de faire l’objet d’une étude de son œuvre dans le livre de Gabriel Pérez, Les Derniers Maîtres (éditions de l’Atelier 2023), qui pose la question : « C’est quoi, de nos jours, un philosophe ? », en convoquant cinq figures singulières de notre époque : Pierre Caye, Christophe Dejours, Gilles Hanus, René Lévy et Jean-Claude Milner.

Dans des récits autobiographiques, chaque philosophe retrace la genèse de sa propre pensée, témoignant ainsi des étapes mystérieuses qui jalonnent leur créativité.
Ce livre est aussi celui d’une génération soucieuse de sortir la philosophie des universités, convaincue que la pensée des Maîtres authentiques s’exprime d’abord au travers de « paroles vivantes ».