SAMEDI 16 NOVEMBRE 2024, à 16 h, À LA MAISON DU PARC 11800 RUSTIQUES : RENCONTRE AVEC LE PHILOSOPHE GILLES HANUS, À L’OCCASION DE LA PARUTION DE SON NOUVEAU LIVRE, UNE LANGUE UNIQUE, ROUSSEAU, BABEL ET LA CIVILISATION (éd. Eliott, 2024).

Notre monde contemporain connaît une période chaotique, marquée par l’affaiblissement de la civilisation européenne, plus largement de la civilisation occidentale. Une inquiétude partagée s’exprime sur différents registres : démographique, climatique, éducatif, politique, économique, militaire… Au cœur même de notre société, les individus semblent vivre un effondrement intérieur, la barbarie paraît ressurgir à travers l’abandon des anciennes valeurs de « l’homme civil »… Parallèlement, on assiste à la renaissance sous des formes dictatoriales des anciens empires qui forment un front commun contre la civilisation occidentale : Chine, Inde, Russie, Iran, Turquie…

Le livre de Gilles Hanus, à partir d’une mise en regard de la pensée de Jean-Jacques Rousseau et de l’épisode biblique de la Tour de Babel, le philosophe Gilles Hanus nous conduit à nous questionner pour aujourd’hui sur ce qui fait et ce qui défait une civilisation.

« Partie pour aboutir à l’humanité de l’homme, la civilisation produit son abaissement », tel est l’avertissement donné par J.-J. Rousseau et aussi par l’épisode biblique de la Tour de Babel. Dans notre monde chaotique où la barbarie est toujours envahissante, comment pouvons-nous contribuer à ranimer la lumière d’une humanité unifiée ?

Voici le résumé du propos qu’il tiendra le 16 novembre.

S’élevant à partir de sa nature première, l’homme, selon Rousseau, court sans cesse le risque de la barbarie et de l’inhumanité, que seule une constitution digne de ce nom (et peut-être impossible à formuler vraiment) est susceptible d’atténuer, elle qui permettrait à l’homme civil de retrouver, de l’extérieur cette fois, sa bonté naturelle.
À Babel, la construction de la tour et de la ville se substitue à l’humanité, comptée dès lors pour rien : la tour était si haute et son achèvement devenu si essentiel aux yeux des bâtisseurs que les briques avaient plus de valeur que les hommes qui les portaient. Le souci de l’universalité reste (il faut que la tour soit visible de tous), mais au prix de la disparition de l’humanité. L’ascension prime sur l’humanisation : échec de la civilisation en son cœur même !
Nulle fatalité ne s’exprime cependant là : l’humanisation, si elle est rare et délicate, n’est pas impossible.

Selon Rousseau, le fait que l’homme se déshumanise dans la civilisation qui devait au contraire l’humaniser, n’impose nul renoncement à l’humain, nulle complaisance à l’égard de l’illusion passéiste, qui n’est qu’un désir régressif. La figure de l’humain est certes recouverte d’alluvions qui la masquent, mais ne continue pas moins d’exister dans les hommes tels qu’ils sont. Elle ne s’y donne plus dans la clarté qui règne brièvement à la fin du Déluge, lorsque Noé et ses fils quittèrent l’Arche, mais obscurément. Du fond de cette obscurité, nous avons la tâche de ranimer la lumière.

À PROPOS DE SON DERNIER LIVRE, UNE LANGUE UNIQUE, ROUSSEAU, BABEL ET LA CIVILISATION (éd. Eliott, 2024).

A la lumière de Rousseau et aussi de l’histoire biblique de Babel, Gilles Hanus apporte une réflexion d’une étonnante actualité sur notre monde contemporain incertain.

La civilisation désigne le processus par lequel l’humain actualise son humanité ; processus linguistique, technique et social qui ne va pas sans risques et menace constamment de s’inverser. Là où les hommes devaient s’élever, il arrive souvent qu’ils s’effondrent. Ce retournement, Rousseau l’a pointé de façon très claire, dont les textes résonnent avec les versets bibliques relatant l’épisode de la tour de Babel : celui d’une civilisation, d’un ensemble d’hommes possédant « une seule langue », au bord de sa propre caricature. La mise en regard, inattendue, de textes philosophiques et bibliques, interroge leur consonance par-delà leurs différences notables sur les questions du langage, de la technique et de la socialité et soulève la question plus générale de ce qui, d’un texte à l’autre, fait écho dans l’esprit du lecteur – question ici illustrée par la lecture parallèle de Rousseau et de Babel.

GILLES HANUS, philosophe remarquable, directeur des Cahiers d’études lévinassiennes, a été un invité de LUCIOLE où il a mené deux séminaires de philosophie et plusieurs conférences.

Gilles Hanus possède l’art de rendre intelligibles et accessibles des pensées subtiles et de mettre en mouvement de pensée chacun des ses auditeurs.

Né en 1966. Il poursuit des études de Lettres Modernes (Doctorat d’Histoire et sémiologie du texte et de l’image) et de philosophie. Élève de Benny Lévy dont il a pu suivre l’enseignement pendant de nombreuses années, il travaille depuis sa disparition en 2003 à l’établissement et la publication de ses cours, séminaires et autres fragments. Il dirige les Cahiers d’études lévinassiennes et anime l’Institut d’études lévinassiennes où il donne régulièrement des conférences. Il est aujourd’hui professeur de philosophie dans le secondaire en région parisienne.

Il est l’auteur de nombreux articles et de onze livres de philosophie, publiés entre autres aux éditions Verdier, dont Échapper à la philosophie ? Lecture de Lévinas (2012), Benny Lévy, l’éclat de la pensée (2013), Sans images ni paroles : Spinoza face à la révélation (2018), Quelques usages de la parole (Hermann, 2019).

Récemment, il publie successivement aux éditions Liber, en 2022, Relief de la mémoire, Théorie des trous de mémoire ; puis en 2023 Éloge du tact.

Lecteur attentif de Benny Lévy, de Levinas, de Franz Rosenzweig et de Sartre, soucieux de rompre avec les formes figées du discours philosophique, il s’efforce de produire une lecture des textes qui ressuscite leur voix et surprenne le lecteur. S’inspirant de l’étude juive, il invite à une pensée toujours neuve, reprise à son commencement. Ses « lectures » tendent ainsi à se détacher de l’essai pour laisser place à une étude vivante, à l’oralité sensible. Il a également traduit en français quelques lettres et courts textes de Franz Rosenzweig.

Il vient de faire l’objet d’une étude de son œuvre dans le livre de Gabriel Pérez, Les Derniers Maîtres (éditions de l’Atelier 2023), qui pose la question : « C’est quoi, de nos jours, un philosophe ? », en convoquant cinq figures singulières de notre époque : Pierre Caye, Christophe Dejours, Gilles Hanus, René Lévy et Jean-Claude Milner.

Dans des récits autobiographiques, chaque philosophe retrace la genèse de sa propre pensée, témoignant ainsi des étapes mystérieuses qui jalonnent leur créativité.

Ce livre est aussi celui d’une génération soucieuse de sortir la philosophie des universités, convaincue que la pensée des Maîtres authentiques s’exprime d’abord au travers de « paroles vivantes ».