DIMANCHE 23 JANVIER 2022 À 16 H, À L’ESPACE CULTUREL DE BARBAIRA (11800) (place du 14 juillet, centre du village : « L’ENGAGEMENT DE L’ÉCRIVAIN DANS LA CITÉ » : RENCONTRE CROISÉE AVEC LES ÉCRIVAINS ARNO BERTINA ET MARIE COSNAY, qui présenteront leurs nouveaux livres.

Conversation, lecture, débat, dédicace, apéritif de clôture (si les règles sanitaires le permettent)

Passe sanitaire nécessaire.

* LE LIEU D’ACCUEIL DE LA RENCONTRE : L’espace culturel de Barbaira (11800 (place du 14 juillet, au centre).

Barbaira est le premier village après Trèbes, le long de l’ex-113, en allant vers Lézignan. Dans le village, suite la rue qui le traverse. La place du 14 juillet donne sur cette rue.

* LES INVITÉS :

* ARNO BERTINA, né en 1975, est écrivain. Il est l’auteur de plusieurs romans, récits, essais, extrêmement inventifs par leur forme (de la phrase à la structure d’ensemble du livre), ou récits et personnages sont portés, levés, par un souci de vitesse et de libération – libération de la langue, des sens, du sens ; libération identitaire.
Dans plusieurs de ses romans, il interroge le rapport mobile aux identités (Le Dehors, Appoggio, Anima Motrix, Je suis une aventure..).
Ses récits composent une vaste suite des démunis, des exclus (ainsi, La Borne S.O.S. 77Numéro d’écrou 362576 ), les jeunes filles mères prostituées à Ponte-Noire au Congo (L’Âge de la première passe)…. et ce, en continuité avec son exigence d’une vie solidaire des ceux qui n’ont pas ou plus de place dans notre monde.

La dernière publication d’Arno Bertina :

Ceux qui trop supportent – Le combat des ex-GM&S (2017-2020) (éditions Verticales-Gallimard, 2021)

« Fraternité, expertise, pertinence politique… Voilà ce qui se dégage des combats sociaux lorsqu’ils sont vécus de l’intérieur, et non via ces caméras de télévision indifférentes à la joie des ouvriers se découvrant une voix qui porte. Peut-être ces salariés de La Souterraine m’ont-ils séduit, aussi, car je les ai vus lucides mais courageux, et plein d’allant malgré l’épée de Damoclès qu’ils savaient pendue au-dessus de leur tête. (…) Leur intelligence m’a aimanté. »
En 2017, Arno Bertina rencontre des salariés en lutte sur le site de l’usine GM&S (équipementier automobile). Au lieu d’y voir un pur écho à son roman Des châteaux qui brûlent, il va recueillir leurs témoignages quatre années durant, et ainsi rendre hommage à la fierté ouvrière, à leur résistance inventive et obstinée. Ceux qui trop supportent est un récit documentaire nerveux, haletant et d’une humanité poignante.

* MARIE COSNAY est écrivain et traductrice. Elle a été professeur de lettres classiques, à Bayonne où elle vit. Désormais, elle se consacre uniquement à l’écriture. Elle a publié une trentaine de livres, depuis la parution en 2003 de Que s’est-il passé ? (Cheyne éditeur). Elle traduit des textes antiques ; ainsi les Métamorphoses d’Ovide (éd. de l’Ogre, 2017).
Le travail de Marie Cosnay est remarquable par sa manière très singulière d’articuler la
forme, d’une précision et d’une exigence rare, à la réflexion politique et sociale, toujours très engagée. Le langage est chez elle un outil, voire une arme, qu’elle déploie dans tous ses aspects, avec des projets littéraires toujours très ancrés dans les réalités de notre temps. Ses textes témoignent de ce qu’on voit à l’œuvre, de ce que fabrique la politique d’hier et
d’aujourd’hui.

Les publications récentes de Marie COSNAY :

Comètes et Perdrix (éditions de l’Ogre, 2021)

« Je suis écrivaine, et je vis au Pays basque. Née en 1965, et élève dans un établissement religieux quand j’étais enfant, j’ai toujours connu, par rumeurs, les périples que vous avez vécus ici, les injustices qui vous ont été faites. Après avoir lu toute la documentation sérieuse que j’ai pu trouver, les archives ici, celles du Vatican qui sont disponibles, après avoir parlé à quelques descendants des acteurs de l’époque, j’ai écrit un texte, mi-documentaire mi-fiction, qui prend comme point de départ votre kidnapping par les prêtres basques, et qui a l’ambition d’évoquer toute une période (de 1936 à 1953) à cet endroit de frontière. Je ne donne aucun élément nouveau, je n’innove pas, sauf à fictionnaliser les deux scènes où vous apparaissez: la scène de l’évasion du collège et celle du passage des Pyrénées. Le livre prend clairement parti et dénonce l’aveuglement de l’Église et de certains de ses prêtres, sans être polémique. Je dirais qu’il se veut historique. »

– « Comètes et Perdrix », de Marie Cosnay : géopolitique-fiction de l’affaire Finaly. L’écrivaine reprend à zéro cette affaire d’enlèvement d’enfants juifs en 1953, qui fit grand bruit : embardées à prévoir. Par Pierre-Edouard Peillon (Collaborateur du « Monde des livres »),  le 19 mars 2021

 » Le roman historique souffre souvent de sa situation délicate, obligé qu’il est de se tenir sur une crête entre l’anecdote et sa déformation, contraint de décalquer le passé tout en le barbouillant de romanesque. Etre simultanément transparent et haut en couleur, la chose n’est pas aisée. Peut-être vaut-il mieux donc partir d’un événement déjà strié de ­contradictions et de faux-semblants, comme dans Comètes et Perdrix, où Marie Cosnay se penche sur l’affaire Finaly.
L’histoire d’un anachronisme
Riche en duplicités et en ramifications, celle-ci s’étala entre 1945 et 1953. Elle concernait la garde de deux orphelins juifs, confiés à une résistante durant la seconde guerre mondiale. Laquelle refusa ensuite de les remettre à leur ­famille sous prétexte qu’ils avaient été baptisés entre-temps. Son refus s’enracinait dans un vieil antisémitisme : elle reprocha aux juifs d’être « une bande de lâches » ayant abandonné leurs enfants au pire moment. Comètes et Perdrix devient ainsi ­l’histoire d’un anachronisme : les deux garçons sont maintenus dans une certaine clandestinité comme si la menace rodait encore. Un abbé avoua ne rien comprendre « à ce qu’on fabrique avec ces enfants juifs à cacher alors qu’on est en 1953 ». Mais l’autrice du sidérant Cordelia la Guerre ou du fabuleux Épopée (L’Ogre, 2015 et 2018) s’intéresse précisément à cela : le préjugé comme fiction à la fois curieuse et dangereuse, comme manière de prolonger des situations historiques au-delà de leur date de péremption.

La narration de Comètes et Perdrix tracte de ce fait plus d’un poids mort : lesté par des scènes qui reviennent en boucle et criblé de flash-back, le récit s’élance ­depuis la traversée des Pyrénées ­imposée aux deux enfants le 12 février 1953, mais la majorité du ­roman se situe à des points chronologiques antérieurs. « Ah, la grande histoire, quand tu ­t’emmêles les pinceaux. » Quelques ­décalages soulignés par Marie Cosnay sont emblématiques de ce désordre. Par exemple, il a fallu attendre le 7 juin 1950 pour que les époux Finaly, déportés et ­assassinés à Auschwitz en 1944, soient déclarés morts par l’administration française. Ce n’est donc pas la romancière qui bricole l’histoire en proposant un texte habi­lement décousu, c’est l’histoire ­elle-même qui multiplie les incohérences. »

Des îles. Lesbos 2020, Canarias 2021 (éditions de l’Ogre, 2021)
Voilà le récit des deux séjours d’enquête que Marie Cosnay a réalisé pour observer au plus près, sur le terrain ce qui se passe dans les deux principaux territoires européens d’arrivée des exilés qui ont franchi les mers pour solliciter l’hospitalité de l’Europe : l’île de Lesbos en Grèce et l’île des Canaries en Espagne.

Que fait la politique d’immigration européenne aux liens, aux familles et aux corps ? Comment en rendre compte ? Que faire de la question des disparus ? L’Europe est pleine de fantômes, et c’est à partir d’eux que Marie Cosnay mène, depuis des années, un travail de terrain, et collecte la parole et les histoires des exilés.

Avec Des îles, Marie Cosnay se saisit de ce matériau rare pour tisser une réflexion magistrale autour des acteurs de la migration, avec un infini respect pour leur parole, leur capacité d’agir et leur dignité.

C’est là le premier volume d’une série d’ouvrages consacrés à une histoire orale de l’exil vers l’Europe, entre enquête de terrain et récit documentaire. Des îles est une œuvre d’une force politique et littéraire saisissante.

« Marie Cosnay, ‘Mon livre est une observation géographique de ce qu’une politique absurde fait aux individus’ », dans l’émission Par les temps qui courent, par Mathilde Wagman, France Culture : « C’est une part importante de ma vie d’être sensible à ma frontière et aux frontières, tout comme je suis sensible à l’inégalité radicale à laquelle nous sommes confrontés, moi qui peut aller où je veux avec mon passeport, alors que d’autres ne le peuvent pas. L’écriture avait toujours été un endroit de traduction ou de fiction, mais jamais un endroit dans lequel je pouvais faire récit des histoires qui m’arrivaient. Je pense que si je fais récit aujourd’hui de mes enquêtes autour des paroles des migrants, et de ce qu’on fabrique aux frontières, c’est parce que ça nous dépasse et que c’est urgent. » 

Nos corps pirogues (édition L’Ire des marges, 2022)

Sur les bords de l’Adour, dans un jardin-refuge où se mêlent les langues et les récits d’exil, un enfant apparaît. Il vient de Guinée-Conakry. Il a traversé plusieurs frontières avant d’arriver en France, au Pays basque, où Marie Cosnay croise sa route en 2017.

Après l’épopée du voyage, c’est une nouvelle bataille qu’il doit livrer pour faire reconnaître sa minorité auprès de l’administration française : un parcours fait d’incohérences, d’injonctions folles – être clair avec son histoire -, et d’espoir déçus.

« Mais la route ne compte pas s’arrêter, elle ne se pense pas avec l’arrêt. La fuite et le passage comme création. C’est ce que sait et porte l’enfant depuis dix-sept ans qu’il est né. Je vais tout recommencer, je vais recommencer l’entretien social, je vais répondre aux questions, tu veux mon histoire, alors prends mon histoire, tu veux que je te dise ce que je sais alors je te le dis, (…), j’ai sans doute mal répondu aux interrogatoires mais je vais tout répondre et tu verras, je serai un enfant. »