2 RENCONTRES AVEC LA ROMANCIÈRE VIOLAINE SCHWARTZ,autour de son nouveau récit, Une forêt dans la tête (ÉD. P.O.L.) :

– Samedi 29 octobre à 17 h : Espace culturel de BARBAIRA (11800), place du 14 juillet, au centre du village.

– Dimanche 30 octobre à 11 h, à la librairie La Pluie d’été à MÈZE (34140), 14 rue Paul Entéric (au centre de la ville, donne sur la place de la mairie, et toute proche des halles). Mèze est une charmante petite ville au bord de l’étang de Thau.

VIOLAINE SCHWARTZ est romancière, mais aussi comédienne et chanteuse.
Elle commence sa carrière d’écrivain par l’écriture de plusieurs pièces radiophoniques pour France Culture. Elle publie ensuite son premier roman en 2010 chez P.O.L., éditeur à qui elle reste fidèle puisqu’elle y publie depuis tous ses textes.
Elle a écrit trois pièces radiophoniques pour France Culture : Le calvaire de Noël, 2003, co-écrit avec Pierre Baux et Olivier Gorce ; Noire pointée, 2006, co-écrit avec Quentin Schöevaërt ; À l’Ouest, 2008 ; Dépressurisée, 2010.
Elle a publié aux éditions P.O.L. cinq romans et une pièce de théâtre.
La Tête en arrière en est le premier. Elle a aussi écrit un roman sur la chanteuse Fréhel : Le vent dans la bouche (2013), étoile du grand répertoire de l’entre-deux-guerre, favorite de la grande-duchesse Anastasia et de la reine Marie de Roumanie, qui mourra dans la misère. Son dernier roman, Une forêt dans la tête est paru en 2021.

Après des études à l’École du Théâtre National de Strasbourg et une formation de chanteuse lyrique, elle débute sa carrière de comédienne aux côtés de Jacques Lassalle et travaille ensuite sous la direction d’Alain Ollivier.
Elle fait du théâtre depuis 1990. Par ailleurs, sa formation de chanteuse l’a amenée à jouer dans des spectacles de théâtre musical, sous la direction d’Ingrid von Wantoch Rekowsky , Jacques Rebotier, Jean Lacornerie , Pierre Baux , Dominique Pifarély, Etienne Pommeret …
Elle a également crée un tour de chant autour du répertoire réaliste en duo avec la contrebassiste Hélène Labarrière.
Elle a joué sous la direction de Jacques Lassalle (Mélite, de Corneille), Georges Aperghis (La Baraque foraine), Alain Ollivier (Les Bonnes, de Jean Genet), Marcel Bozonnet (Ophélie et autres animaux, de Jacques Roubaud), Frédéric Fisbach (Tokyo Notes, de Oriza Hirata), Pierre Ascaride (Papa, de Serge Valetti), Ludovic Lagarde (Le petit monde de Georges Courteline, Sœurs et frères, de Olivier Cadiot, Platonov et Ivanov, de Anton Tchekhov, Le Cercle de craie caucasien, de Bertolt Brecht, dont elle a co-traduit le texte avec François Rey), Pierre Baux (Comment une figue de paroles et pourquoi, adaptation de Francis Ponge), Le passage des heures, de Fernando Pessoa), Gilberte Tsaï (Une nuit à la bibliothèque, de Jean-Christophe Bailly), Charles Tordjman (Slogans, de Maria Soudaïeva), Jean Philippe Vidal (Les trois sœurs, de Anton Tchekhov), Célie Pauthe (Quartett, de Heiner Müller, L’ignorant et le fou, de Thomas Bernhard, S’agite et se pavane, de Ingmar Bergman).
Plus récemment, elle collabore avec la danseuse et chorégraphe Cécile Loyer dans deux spectacles : L’hippocampe mais l’hippocampe création pour le festival Concordan(s) qui fait collaborer chorégraphes et écrivains ; 4×100 mètres4, créé au Manège de Reims en 2019.
Elle participe également à des lectures publiques. À partir de la saison 2011-2012 et jusqu’à la fin de l’émission, elle est l’une des « papous » de l’émission de France Culture Des Papous dans la tête, animée par Françoise Treussard.
Elle crée en duo avec la contrebassiste Hélène Labarrière un tour de chant reprenant le répertoire de la chanson réaliste, répertoire régulièrement diffusé par Philippe Meyer qui la programme plusieurs fois dans son émission La prochaine fois je vous le chanterai.

PUBLICATIONS :
Romans et pièces de théâtre
La Tête en arrière, Paris, P.O.L., 2010,
Le Vent dans la bouche, Paris, P.O.L., 2013 ; prix Eugène Dabit du roman populiste 2013,
Comment on freine ?, suivi de Tableaux de Weil, Paris, P.O.L., 2015, pièce de théâtre, mise en scène par Irène Bonnaud,
J’empêche, peur du chat, que mon moineau ne sorte, Paris P.O.L., 2017,
Papiers, Paris, P.O.L., 2019,
Une Forêt dans la tête, Paris, P.O.L., 2021.

Discographie
Dominique Pifarély et Violaine Schwartz, Prendre corps, Poros éd.
Violaine Schwartz et Hélène Labarrière, J’ai le cafard, Innacor records.

UNE FORÊT DANS LA TÊTE (P.O.L., 2021)

Ce livre est le récit d’une guérison après une rupture d’anévrisme. Par la puissance des mots, le goût des chemins de traverse et de la rencontre avec l’autre. Lors d’une rupture d’anévrisme, 35 % meurent sur le coup, 35 % présentent des séquelles neurologiques, les autres n’ont rien du tout comme la narratrice. Elle peut encore faire tout ce qui lui passe par la tête, comme avant, mais avec la crainte que cela ne recommence. Tout va bien et soudain tout va mal, cette crainte l’empêche d’en profiter, la réveille toutes les nuits. Elle a quelques séquelles invisibles qu’elle s’efforce de réparer, en accumulant exercices d’orthophonie variés et jeux de mémoire. Elle vit à Paris, mais ne supporte plus la violence, la foule, le bruit. Trop fragile pour reprendre le chemin du travail, elle part dans la maison familiale, un grand mas perdu au bout d’une route de terre, au fond des Pyrénées, à la frontière espagnole. C’est l’endroit de l’été. C’est l’endroit d’avant la rupture d’anévrisme. La forêt. Là-bas, personne ne sait ce qui lui est arrivé. Elle part toute seule pour la première fois. Le mas est très grand, encombré d’objets et de souvenirs. Le mas déborde de soucis domestiques à régler. Heureusement, il y a Frida, une marginale qui vit dans une cabane perdue, son amie de la montagne et de l’été, la clocharde céleste, la sorcière des forêts. Frida vit avec son homme en autarcie au milieu de la forêt, depuis plus de vingt ans. Mais soudain, en regard de ce que la narratrice vient de vivre, Frida est un mystère. De cette retraite planquée dans cette cabane hors la loi, elle veut tout savoir. Frida lui raconte. La fugue à 15 ans, le départ d’Allemagne, la Grèce, l’Ardèche, les squats, le stop, la manche, les cerises pour assurer l’hiver, les pièges de la rue. Ce roman devient l’histoire d’une guérison à travers le portrait croisé de deux femmes amies que tout oppose dans la société, mais qui l’une et l’autre ont appris l’extrême fragilité de la vie.

LA PRESSE EN PARLE :

Xavier Houssin, Le monde des livres, mars 2021 :
La narratrice d’Une forêt dans la tête se remet d’une rupture d’anévrisme sans graves séquelles hormis l’angoisse d’une récidive. Comment retrouver le sommeil ? Violaine Schwartz dépasse la peur.
Buter sur les mots, les perdre, les mélanger. Se fabriquer de bégayants néologismes pour essayer de préciser une pensée qui s’égare. Renoncer, reprendre, réessayer. La narratrice d’Une forêt dans la tête, le nouveau roman de Violaine Schwartz, se remet comme elle peut de la rupture d’anévrisme qui l’a foudroyée il y a maintenant plus d’un an. Elle sait bien qu’elle a eu de la chance. « 33 % meurent sur le coup, 35% présentent des séquelles neurologiques plus ou moins graves, les autres n’ont rien du tout.» Et, rien du tout, c’est son cas. Sauf qu’il y a ces fichus mots qui s’embrouillent. Elle a essayé de reprendre son boulot de prof, mais, face aux élèves, elle a dit « “espoir” pour “histoire”, “cahiers” pour « livres” et “livres” pour “cahiers”, “produit” pour “tableau”». A l’hôpital, une orthophoniste en blouse blanche lui fait répéter de drôles de phrases où il est question de boas, de trottinettes et de boulangers qui se lèvent tôt. Ça vire au cadavre exquis ou à l’anadiplose. Marabout-bout de ficelle selle de cheval. Mais quel cheval déjà ? Chaque instant de sa vie se transforme en exercice de mémoire. Il y a de quoi être épuisée. Ce qu’elle est. Mais, dans le fond, elle sait bien que ce qui rend sa parole hésitante, ce qui la fait trébucher encore, toujours, c’est la crainte irraisonnée de la rechute, du retour du cataclysme. «Clac.» L’inquiétude est tellement empaquetée à l’intérieur qu’elle se réveille chaque nuit à l’heure de l’accident. Les insomnies s’apprivoisent. On finit par ne plus se perdre dans leurs labyrinthes. Et les paysages traversés peuvent devenir familiers. Dans ses ruminations nocturnes, à Paris, l’éveillée anxieuse d’Une forêt dans la tête a ainsi accroché l’image d’un vieux mas, perdu au bout d’un chemin juste carrossable, au-dessus d’un petit village du fond des Pyrénées, près de la frontière espagnole. C’est la maison des vacances, la maison de famille, enfin de belle-famille, pleine à craquer de souvenirs qui débordent les générations. La maison surtout du temps d’avant le choc, d’avant la chute, d’avant «l’oreiller des angoisses », et de cette étrange détresse qui ne la quitte plus. Alors, elle décide d’y partir, seule, sans mari, sans enfants : « Il faut se lancer, donc une semaine toute seule dans la grande maison au bout de la route de terre, c’est le remède idéal pour n’avoir plus peur de rien, jamais, O.K. ?» Affolements irraisonnés
La peur est la grande affaire des livres de Violaine Schwartz. Presque toujours. La chanteuse Fréhel à qui elle rend une voix troublante dans Du vent dans la bouche (P.O.L, 2013) tenait d’un coin sombre de son enfance sa terreur des corbeaux. Dans sa pièce dethéâtre, cruelle et familiale, J’empêche, peur du chat, que mon moineau ne sorte (P.O.L, 2017), il y a un Docteur ès peurs qui joue l’arbitre des épouvantes. Les migrants de Papiers (P.O.L, 2019) vivent la peur au ventre. Et les affolements irraisonnés qui enflent, grandissent, dans le quotidien, la panique permanente de ne pas être à la hauteur, de ne pas faire, de ne plus savoir faire ce qu’il faut, se retrouvent dans son premier roman, La Tête en arrière (P.O.L, 2010). On y découvre une chanteuse lyrique au chômage qui a dû emménager avec sa fille dans un pavillon de banlieue appartenant à ses beaux-parents. Mais dans cette «maison du bonheur» tout se déglingue et la raison bascule. Cette chronique tragico-cynique donne en quelque sorte la réplique à Une forêt dans la tête. Même narration à la deuxième personne du singulier, entre soliloque et apostrophe. Et presque même décor. Mais le nouveau roman ouvre en grand les fenêtres. Le vieux mas catalan se trouve en pleine nature. La narratrice a beau faire une montagne de quelques tuiles cassées, d’un puisard qui déborde, craindre les vipères, redouter les orages, s’effrayer des bruits nocturnes, elle respire. Et puis, il y a ses voisins pas vraiment comme les autres. Des «yanouts » (des laineux, des chevelus) comme on dit au village, rescapés hippies, si l’on veut. Elle les connaît bien. Parmi eux, Frida, une Allemande à la quelle elle ne saurait donner d’âge, qui vit dans une cabane tout près de la maison. Quelle a été sa vie? «Moi, je voulais être libre. » Doucement, Violaine Schwartz laisse frayer son récit dans l’histoire. Tout s’en trouve bouleversé. S’arrêter, écouter, être attentif. «Et après ?» On trouvera des mots justes pour pouvoir en parler.

Extrait : «Reconstitution d’une pensée en marche, au fil de Veau. Et peut-être que c’est encore une nouvelle séquelle invisible d’avoir en permanence mille choses en tête plutôt que rien. Ou peut-être que j’ai toujours été comme ça ? Peut-être que c’est justement à cause de ces mille choses que l’artère a lâché, elle était trop petite. Tu ne sauras jamais. Tu marches dans les secrets de ton cerveau, terre inconnue plantée de Si ça se trouve. 

Sylvie Tanette, Les Inrockuptibles, avril 2021 :
En vert et contre tout
Dans un texte magique, Violaine Schwartz raconte l’histoire d’une renaissance à la lisière d’une forêt de contes défaits.
« Ton cerveau est rempli de séquelles invisibles, de blessures fantômes, de neurones grillés, de vides dans les coins, de mots disparus, de brouillard givrant, de falaises à pic. » Ainsi fonctionne l’écriture de Violaine Schwartz : une accumulation d’images d’où surgit une étrange poésie. L’écrivaine, dramaturge et performeuse a choisi de nous entraîner aux côtés d’une femme victime d’une rupture d’anévrisme. Elle doit réapprivoiser son cerveau, dans la crainte de ne jamais vraiment retrouver les mots et la mémoire, et décide de rejoindre une maison de famille, à l’écart de tout dans les Pyrénées : « Cette bâtisse est complètement anachronique et délirante et anxiogène et écrasante et ruineuse et indigeste, te dis-tu en faisant le tour du mas, mais en même temps, comment ne pas l’aimer? Elle est assise dans le paysage, de toute sa puissance râblée, de toutes ses pierres usées, comme à la proue des siècles.» Dans les pensées qui agitent cette héroïne sans prénom, on retrouve le rythme du monologue éperdu du premier roman de Schwartz, La Tête en arrière (P.O.L, 2010), et l’énergie de son précédent texte, Papiers (P.O.L, 2019), qui donnait à entendre les voix de demandeur/euses d’asile. Litanies de mots, phrases répétées et remâchées, ruptures soudaines et fulgurances : « On te jette dans tes failles. Mais toi tu dis NON.» Mais ce livre, plein d’humour et de cocasserie avec le portrait de cette femme qui cherche pour la première fois de sa vie à se débrouiller seule, peut aussi être lu comme un récit d’apprentissage. L’héroïne doit affronter des épreuves, faire ses expériences d’indépendance et d’autonomie. Et les pièges sont nombreux dans la grande forêt voisine où elle peut se perdre. Surtout il y a Frida, marginale rescapée des années hippies, qui habite dans une cabane et cultive son jardin. Frida raconte sa vie d’errance, à l’opposé de celle de l’héroïne, prof parisienne, mariée et mère de famille. Le lieu qui semblait isolé se transforme en lieu de rencontre. Frida a passé son temps sur les routes avant d’atterrir ici. Un mystérieux container en provenance d’Afrique du Sud a été posé dans un champ, il y a longtemps, et personne ne sait ce qu’il contient. Et le souvenir de la Retirada, l’exode des Républicain-es espagnol es en 1939, continue à hanter les vieilles pierres des chemins.

Véronique Rossignol, Livre Hebdo, avril 2021 :
Mater l’aurore
Violaine Schwartz signe un très beau roman de convalescence avec le récit d’une femme recouvrant des forces dans une maison de moyenne montagne.
« Ton cerveau est rempli de séquelles invisibles, de blessures fantômes, de neurones grillés, devides dans les coins, de mots disparus, de brouillard givrant, de falaises à pic. » De la rupture d’anévrisme qui l’a terrassée au petit matin, un an et demi plus tôt, la narratrice quadragénaire d’Une forêt dans la tête est sortie vivante mais avec des troubles de la mémoire qu’elle soigne avec une orthophoniste dans le service de rééducation neurologique d’un grand hôpital parisien. En apparence, tout est comme avant, mais en fait rien ne l’est. « Tu sais de l’intérieur que le pire peut arriver à chaque instant. /De but en blanc./Comme ça./Clac. » Et cette connaissance, la conscience aiguë de la vulnérabilité de la vie, la réveille toutes les nuits. Pendant ses insomnies, elle pratique des exercices en reconstituant dans le détail le parcours pour rejoindre un bout du monde des Pyrénées-Orientales, « le village de l’été » au-dessus duquel est perché, à 800 mètres d’altitude, un vieux mas familial. Puis elle décide, comme un défi, d’y passer une semaine : un séjour thérapeutique pour « faire les choses pour de vrai. Et toute seule. » Là- haut, il y a les souvenirs de vacances heureuses, des chemins familiers. Et des voisins au mode de vie bien éloigné du sien, marginaux sédentarisés, anciens punks, routards, hippies : les « yanouts » comme les appellent les vieux Catalans. Parmi eux, Fris, un Breton installé dans une caravane, et Frida, une Allemande qui habite une cabane avec son compagnon, à dix minutes de marche de la vieille bâtisse. Reprendre prise sur le réel, apprivoiser le risque et braver ses peurs, voilà le programme. Mais il faut d’abord se coltiner l’intendance, les problèmes de vidange de fosse septique, de tuile cassée, de ménage, avant d’affronter une solitude intranquille, les bruits de la maison vide, une inavouable peur panique des orages. Reprendre pied dans le présent, fortifiée par la beauté du lieu, encouragée par Frida, cette experte en autonomie, cette adepte du jour le jour. « Faut pas se laisser dominer par la peur. Faut la transformer en curiosité », assure cette sage à « l’aura d’une icône grunge » qui, avec vingt-cinq ans de route derrière elle, sait de quoi elle parle. Son secret : « savoir mater ». Et la convalescente apprend ainsi à « mater l’aurore », à observer le jour qui se lève et en même temps à tuer l’angoisse qui l’accompagne, pour retrouver confiance dans les matins du monde chaque fois premiers. À ce récit de guérison intérieure, Violaine Schwartz insuffle un magnifique élan de liberté et de vitalité essentielles.

Sophie Joubert, L’Humanité, juin 2021 :
Échapée belle avec orage
Dans Une forêt dans la tête, Violaine Schwartz entrelace deux voix de femmes pour raconter une guérison et la rencontre de l’autre.
En 2010, Violaine Schwartz publiait la Tête en arrière, le monologue d’une chanteuse lyrique au chômage qui affrontait, dans une grande maison, la solitude et le temps vide. Écrit à la deuxième personne du singulier, ce premier roman ludique et heurté révélait une voix originale et une appétence pour les jeux de langue bizarres et dissonants. Onze ans et quatre livres plus tard, l’actrice, comédienne et chanteuse, invitée régulière des défunts Papous dans la tête, de France Culture, compose un roman miroir dont le personnage principal pourrait être la même femme apprenant, après un choc, à s’ouvrir au monde extérieur. Récit d’une guérison et de la rencontre, dans un bout du monde, de deux femmes que tout oppose, Une forêt dans la tête s’ouvre sur une série de phrases énigmatiques
qu’on croirait échappées d’un jeu à contraintes oulipien : « Le boulanger se lève tôt le matin pour préparer du bon pain », « La jungle hostile pullule de boas ». Victime d’une rupture d’anévrisme, la narratrice répète scrupuleusement les exercices prescrits par une orthophoniste à chignon pour améliorer sa mémoire immédiate. Souffrant de ce que les médecins nomment des « séquelles invisibles », elle confond les mots, se réveille chaque matin à l’heure précise de son accident cérébral, est entravée par des peurs et une immense fatigue qui l’empêchent de reprendre son métier d’enseignante. Un jour, pourtant, elle décide d’aller de l’avant et de partir seule dans le mas pyrénéen où elle a passé avec son mari, Jean, de merveilleux étés. Sur la route en lacets qui mène à ce paradis rude, où personne ne sait ce qui lui est arrivé, son voisin, Fris, lui montre le cadavre d’une vache en décomposition. Seule dans la grande maison remplie d’objets hétéroclites et de souvenirs, la jeune femme va se confronter à ses angoisses, puis s’en libérer en écoutant Frida, une Allemande libre et marginale d’une soixantaine d’années qui lui raconte sa vie. D’abord fermé sur la narratrice et le chaos qui colonise son crâne, le livre s’ouvre progressivement à cette deuxième voix, écrite à la première personne du singulier, qui prend de plus en plus de place. Vagabonde au port de reine, voyageuse à pied, en stop ou à dos d’âne, Frida a vécu sur la route avant de s’installer sur cette « terre de liberté», au plus près de la nature et des animaux. Contrepoint au récit principal, son histoire, inspirée d’un témoignage recueilli par l’autrice, retrace l’itinéraire d’une génération qui a vieilli avec ses utopies et n’a renoncé à rien. Tendu par l’inquiétude et l’orage qui menace, l’ouvrage Une forêt dans la tête avance sous le regard un peu bancal d’une narratrice qui cherche à endiguer le désordre. Un roman dont la force tient autant à son sujet qu’à une langue inventive et sonore, à des changements de rythme et d’intensité devenus, au fil des livres, la marque de fabrique de Violaine Schwartz.