RENCONTRE AVEC LA ROMANCIÈRE JULIETTE KEATING
SAMEDI 11 OCTOBRE 2025 À 17 H
À TRÈBES, Bibliothèque la Maison des Mots (pl. de la République, près de la Mairie)
CONVERSATION, LECTURE, DÉDICACE,
autour de son dernier roman, La Levée du temps (éd. L’Ire des marges, 2025).
Elle dialoguera avec l’écrivain en résidence, Franck MAGLOIRE, auteur d’Opéra (L’Ire des marges, 2023)
Entrée libre et gratuite, sans réservation. Apéritif de clôture

LA LEVÉE DU TEMPS (L’Ire des marges, 2025) :

Ce roman est un petit bijou littéraire. L’écriture très fluide, aux phrases courtes et acérées, entremêle le discours intérieur d’Anne Sainpère, « la femme qui se tait » et une narratrice extérieure qui observe les petits faits et gestes de cette femme en errance. Alternance entre « je » et « elle ». Anne « Saint-père » est une employée anonyme en télétravail, veuve solitaire, qui existait sous le regard de son mari, intellectuel brillant, protecteur, mais au fond indifférent à « sa belle », et qui entretenait une relation forte avec une femme énergique, Murielle Dahan. Anne Sainpère a su dès son mariage qu’elle se laissait tromper, qu’elle « s’aventurait dans une vie qui n’était pas la [sienne] ». Sainpère s’était « institué [son] phrare, mais la lumière d’un phare n’éclaire rien, c’est un signal, pour guider, moi je me tenais silencieuse à ses pieds dans l’ombre. »
Est ainsi admirablement évoquée cette néantisation d’une femme qui veut dès lors disparaître : « Ma disparition parmi des milliers, des millions, un trou de plus dans ce fleuve d’indifférence qu’on nomme humanité. »… Cela dit, ce non-être ne peut être total, tant qu’il y a de la vie. Un être humain est un trou dans l’être, c’est là sa liberté, il a un devenir, exister c’est d’une certaine façon s’arracher à l’être… Ainsi, Anne vit tout de même sous le regard des autres, elle existe en dépit de tout… Sa cheffe de service, « l’amie », Christine Le Preux, lui téléphone pour lui proposer un échange d’appartement qui la fera partir à Royan. Ce récit devient alors celui de la relance d’une vie. Au bord de la mer, une réponse se dessine pour Anne : être pour autrui en conservant sa liberté de choix. Elle rencontre ainsi des femmes, jeunes, énergiques, engagées, qui lui permettent de saisir les enjeux du monde qui l’entoure : l’écologie, la barbarie humaine après la guerre, la Shoah… Tout cela est suggéré à peine, et le lecteur reste libre d’en faire son propre roman. C’est là que réside la puissance de ce livre. Bref. Il est peu de dire que ce roman revêt une profondeur métaphysique. C’est quoi vivre ? Comment exister ?

La Levée du temps est le roman d’une transfiguration : l’émancipation d’une femme et son retour à la vie. Anne Sainpère, la cinquantaine, est veuve. Reléguée en télétravail, « épuisée d’elle-même » après des années sous l’emprise de son mari, elle voudrait disparaître. Elle est arrêtée dans son geste par un appel téléphonique : un échange d’appartement inopiné la conduit au sein d’une station balnéaire de la côte ouest. De l’apocalypse urbaine, un train la mène vers sa propre histoire. À son arrivée, la ville s’impose à elle comme un décor avec son architecture singulière des années 1950, mais au fil des jours elle fait la rencontre d’une petite communauté de femmes et apprivoise la ville. Anne Sainpère tente d’exorciser son passé et découvre qu’une autre vie est possible. Mais son désir d’apaisement est malmené dans cette ville détruite par les bombardements de 1945 et entièrement reconstruite après la fin de la Seconde guerre mondiale. Comment trouver la sérénité quand « nous voguons tous ensemble sur la boue de l’histoire » ? Juliette Keating tisse avec finesse ce roman d’une recomposition de soi dans une ville qui garde la mémoire du passé. Le réel se mêle à l’irréel et laisse le mystère jouer son rôle pour reconnecter avec les autres et le monde celle qui voulait en finir.

PRÉSENTATION DE JULIETTE KEATING PAR ELLE-MÊME 

« Je suis née en 1967 en région parisienne. J’ai deux fils nés en 1998 et 2004.

Après des études d’arts appliqués à l’école Boulle (Paris) j’ai étudié la sociologie jusqu’au DEA (EHESS, Paris). J’ai travaillé comme graphiste puis comme sociologue, brièvement, avant d’entrer à l’Éducation nationale. D’abord professeure d’arts plastiques, j’ai enseigné le français au collège et au lycée, dans l’Académie de Créteil pendant vingt-cinq ans. Depuis 2023, je me consacre uniquement à l’écriture et aux ateliers d’écriture dans le cadre scolaire ou pour toustes.

J’ai commencé par écrire des billets satiriques publiés à partir de 2009 dans le journal en ligne Bakchich infos (disparu) puis dans le magazine papier Zélium. En 2011, j’ai ouvert un blog hébergé par Mediapart que j’ai tenu régulièrement jusqu’en 2020. Je choisis alors d’écrire au jour le jour dans ce site personnel. Pendant plusieurs années, j’ai contribué aux publications de la revue culturelle en ligne delibere.fr, notamment par des articles sur l’édition indépendante (2023).

L’année 2019 a été celle de mes trois premiers livres: Awa, un roman publié aux éditions Le Ver à Soie; Demain j’ai 15 ans, roman jeunesse paru chez Magnard jeunesse; Blaise, Léa et les autres…, recueil de 52 portraits fictifs de jeunes gens, illustré par Béa Boubé et publié aux éditions Libertalia.

Un deuxième roman jeunesse est publié en 2020, Espérance Résistance (Magnard jeunesse), sélectionné par Graines d’écolecture de la Maison de l’environnement de la Métropole de Lyon et par le Festival du livre jeunesse de Cherbourg.

L’été 2019, je m’intéresse à Marie Lafarge, née Capelle, une célèbre “empoisonneuse” du XIXe siècle. Je découvre que cette jeune femme injustement accusée du meurtre de son mari et condamnée à tort s’est révélée autrice en prison. En lisant ses textes, j’ai envie de m’adresser à elle, d’établir un dialogue dans le temps, portée par un sentiment fort d’empathie et de sororité. Marie Cappelle, est le titre de ce livre publié aux éditions Le Ver à Soie en 2022, qui est une sorte de biographie hors des codes de la biographie.

J’aime écrire des nouvelles, dont deux ont paru aux éditions Le Ver à Soie: La Venelle suivi de Après les pins, (2019, rééd 2022), d’autres sont disponibles sur ce site.

En juillet 2016, je rencontre des familles rroms qui viennent d’être expulsée de leur lieu d’habitation à Montreuil et qui se trouvent à la rue sans solution. Avec le photographe Gilles Walusinski, nous tentons d’aider comme nous le pouvons en participant au collectif de personnes solidaires qui alertent sur la situation et agissent auprès des pouvoirs publics. Pendant plusieurs mois, nous publions de nombreux articles (textes et photographies) sur mon blog hébergé par Médiapart. Six ans plus tard, les éditions L’Ire des marges accueillent notre livre à la rue, composé de textes et de photographies sur les deux années de vie sans abri pour ces familles et de mobilisation collective, avec ses hauts et ses bas.

En 2023, je suis lauréate d’une bourse d’écriture en résidence de l’ALCA (Région Nouvelle Aquitaine). Je suis accueillie au Ciel de Royan, où je commence l’écriture d’un roman autour d’un personnage de femme cinquantenaire. L’histoire de Royan, de la destruction de la ville par les deux bombardements de janvier et avril 1945, prendra place peu à peu dans mon texte, publié en 2025 aux éditions L’Ire des marges sous le titre La levée du temps. Les Escales du livre Bordeaux me donneront l’occasion de présenter publiquement La levée du temps lors d’une rencontre croisée avec Cati Baur médiation Aimée Ardouin (avril 2025). Ce roman fait partie de la première sélection du prix Hors Concours, dont c’est la dixième année. »

Juliette Keating a également contribué à l’ouvrage collectif J’écris dans les franges (Co-édition L’Ire des marges / le musée de la création Franche, 2025), collection IMARGES : Dialogues entre littérature et art brut, avec les contributions de Lydie Salvayre, Derek Munn, Patrice Luchet, Juliette Keating, Jean-Paul Engélibert, Sophie Coiffier, Éric Chevance.