RENCONTRE AVEC LA ROMANCIÈRE MARIE BARDET

Samedi 10 novembre à 16 h, M.J.C. de Carcassonne

Conversation, lecture autour de son roman À la droite du père (Éditions Emmanuelle Colas, 2018)

À propos de À la droite du père

Dans les années 1970, Claire a neuf ans, un père âgé et malade, qui fut architecte à Vichy sous Pétain. Dans ses rêves aux allures de cauchemars, elle doit choisir entre l’amour mystificateur de son père ou son attirance pour Carlos, le terroriste Ilich Ramirez Sanchez, bras armé de la cause palestinienne, alors ennemi public n°1. À l’âge adulte, elle fait la rencontre de Maksim. Enfant de la guerre du Liban, il a lutté à l’adolescence contre l’occupation israélienne après avoir été enfant-soldat auprès de Carlos. Cette passion amoureuse va raviver le sombre héritage paternel nourri d’antisémitisme. L’histoire se déploie entre la France de Vichy, Beyrouth et Rivesaltes. Avec À la droite du père, Marie Bardet nous livre un récit haletant et implacable, qui éclaire d’un jour oblique l’antisionisme radical des années de plomb. Dans ce roman familial, en grande partie autobiographique, porté par une écriture puissante, intense et limpide, Marie Bardet réussit l’exploit d’arracher à l’histoire personnelle autant que collective une part d’impensé, de non-dit, qui participe de notre réalité insoluble.

Couv-A-la-droite-du-pere

La presse en fait l’éloge
« Roman virtuose sur l’antisémitisme d’une certaine France et les dérivesviolentes de tous les extrêmes, À la droite du père s’impose comme une réflexion âpre et violente sur le poids à porter, au-delà des ans, des fautes familiales originelles. » (Michel Litout, L’Indépendant, 8 avril 2018)

Marie Bardet est journaliste et écrivain. 
À la droite du père est son premier roman.
Jusqu’à la parution de son premier roman en 2018, Marie Bardet se serait coupée la langue plutôt que d’avouer qu’elle est née de Vichy. Cette ville d’eau qui fut un fleuron du thermalisme colonial avant de devenir la cité du maréchalisme où elle a grandi lui a inoculé, outre un irrémédiable sentiment de culpabilité, une curiosité souvent irrévérencieuse qu’elle a employée pendant 20 ans dans le journalisme, principalement à Paris et Toulouse jusqu’en 2008. Benjamine de sa promotion à l’Institut de journalisme de Bordeaux (IJBA), elle en ressort comme elle y est entrée, s’inscrit en fac pour préparer une licence d’ethnologie, lit Marcel Mauss, Levi Strauss, se passionne pour l’ethnopsychiatrie et les études africaines de Marie-Cécile et Edmond Ortigues. On la retrouve dans un cortège des manifestants, un jour avec les étudiants, le lendemain comme reporter à France 3 où elle obtient en 1987 sa carte de presse n°60584, ne sait plus où se trouve sa place. Lâche les études, sillonne l’hexagone derrière ou devant la caméra, atterrit à Paris, reprend tout du début, par l’écriture. D’abord fragmentaire, poétique, elle bondit vers le roman et explore la filiation, la mémoire, la fabrique de l’identité sur fond historique et politique. Par son exigence littéraire, la richesse et l’exactitude des enquêtes préalables à l’élaboration proprement narrative, Marie Bardet ouvre la voie à une forme romanesque d’une rare densité où la fiction pleinement assumée vient sonder de ses intuitions et de ses explorations nos substrats tant doctrinaux que fantasmatiques sur fond d’histoire récente et en juste perspective d’une actualité socio-politique brûlante. Elle vit à Narbonne et travaille dans l’ingénierie culturelle à Carcassonne.
Elle contribue à la revue de littérature et de réflexion Apulée (éditions Zulma, Paris), dont elle a notamment présenté et coordonnées le numéro 3 : « Camp de Rivesaltes : les mânes du Drancy de la zone libre ».
Jurée du prix des Vendanges littéraires de Rivesaltes (jusqu’en 2015), elle s’investit dans l’acte d’écrire depuis bientôt dix ans. Redevenue citadine, elle travaille dans l’ingénierie culturelle à Carcassonne. Elle vit à Narbonne.

Bibliographie :
À la droite du père, éd. Emmanuelle Collas, 2018 (roman)
–  » Un jour, un amoureux pleurait les mains sur la figure « , revue Apulée, éd. Zulma, 2017 (nouvelle)
–  » Je veux mourir à mon nom « , revue Apulée, éd. Zulma, 2016 (poésie narrative)
D’Amour & de Vin. Petit guide fantasmatique, romanesque, immoral et sensuel du goût du vin et de la peau des femmes, avec Vincent Pousson, éd. La Presqu’île, 2001 (nouvelles)
Le Suicide, éd. Les Essentiels Milan, 1995 (document)

Extrait inédit :
Les linges sur lesquels l’enfant était couchée respiraient la naphtaline. Sans doute Nona et Décima les avaient-elles tirés du fond de quelque armoire où sommeillait leur dot. Le blanc était un peu passé, on voyait dans les plis la trace indélébile de l’oubli. Sur ce fond bistre plutôt qu’immaculé, donc, reposait l’enfant métis. Elle appelait à présent, d’une voix ténue mais qui à l’évidence articulait des sons. Un murmure de frayeur parcouru l’assistance. Le poupon n’avait pas seulement une charmante frimousse et des membres plaisants à contempler, voire à pétrir, tellement ces bras et ces jambes potelés suggéraient la caresse. Une urgence frayait dans ce corps qu’on avait pris un peu vite pour celui d’une poupée. Nos tout-petits sont parfois difficiles à comprendre, mais ce sont les nôtres, nos ventres et nos seins en sont marqués, se disaient les femmes en hochant gravement la tête, tandis que cette petite, sous son voile de princesse, la comprendrons-nous jamais ? Le réel est têtu. N’y avait-il pas quelque folie à vouloir qu’une étrangère s’insère dans l’écheveau de ce qui nous tient ensemble, nous autres ? La barrière de la race, celle de la langue, à quoi s’ajoute le grand mystère de la naissance, comment les dépasser ?